Marion Libro - Boys Love
Lors d’une soirée étudiante, Maxence et Noah se cherchent autant qu’ils se défient. L’attirance est là, indéniable, mais aucun des deux ne veut céder. Jusqu’à ce qu’un rebondissement inattendu les oblige à cohabiter… car leurs parents viennent d’emménager ensemble ! … plus
Je le vois partir.
Il ne court pas, mais son pas est rapide, sa démarche est tendue comme si l’air autour de lui était devenu d’un seul coup irrespirable. Je ne comprends pas ce qui lui arrive, ce qui se passe. Ses épaules sont raides, son dos droit. Je reconnais immédiatement cette façon qu’il a de marcher quand il veut mettre de la distance entre lui et le reste du monde.
Quelque chose cloche.
On vient à peine d’arriver à la fête des voisins, ma mère a déposé le gâteau sur la table et on doit encore saluer tout le monde. Tant pis pour les bonnes manières, je fais demi-tour pour suivre Noah. Je tente de l’appeler.
“Noah !”
Il ne se retourne pas et poursuit son chemin, comme s’il fuyait je-ne-sais-quoi, alors je décide de le suivre. Je jette un coup d’œil à ma mère, mais elle ne comprend pas non plus.
J’accélère, quitte à passer pour un con dans cette fête où tout le monde se rassemble, discute, sourit.
“Noah, attends !”
Je l’attrape par le poignet. Mais je réalise trop tard que c’est une mauvaise idée. Il se fige une fraction de seconde, puis se défait brutalement de mon étreinte, comme si ma main l’avait brûlé.
Il se retourne enfin vers moi. Ses yeux sont trop sombres, trop pleins de quelque chose que je ne comprends pas encore.
“Qu’est-ce que tu fous ?”
“C’est plutôt à moi de te poser cette question. Pourquoi tu te barres comme ça ?” lâché-je un peu trop fort.
“J’ai pas envie d’être là, c’est tout.”
“C’est tout ?”
Ma voix tremble légèrement, je déteste ça. Je sais qu’il me ment. Je veux prendre sa main à nouveau, mais je me retiens. Je le sens prêt à exploser, ou pire, à vouloir disparaître.
Son regard fuit. Il cherche une sortie, une échappatoire, une excuse, mais il n’y a que moi en face de lui. Nous sommes en pleine rue et personne ne peut ni nous voir ni nous entendre, ils sont tous bien trop occupés avec la fête des voisins.
“Noah, parle-moi.”
Son regard me transperce, mais ce n’est pas celui que je connais. Il est fermé, froid, absent. Loin de ses habitudes.
“Je te l’ai dit. J’ai pas envie d’être là.”
“C’est une excuse à la con et tu le sais.”
Le silence s’installe entre nous.
Et puis, il souffle, comme si je venais de rendre tout ça encore plus difficile.
“Maxence…”
Je frissonne. Il ne m’appelle jamais comme ça, par mon prénom entier. Il passe une main dans ses cheveux, regarde ailleurs, et puis sans prévenir, sa voix s’élève :
“Je crois qu’on devrait arrêter.”
“Quoi ?”
Le monde s’arrête une seconde.
Il se force à me regarder. Ses yeux sont vides, mais je connais assez Noah pour savoir que c’est un putain de masque. J’ai envie de le serrer dans mes bras, lui dire que tout va bien et que tout va s’arranger même si je ne sais pas ce qui ne va pas chez lui.
“C’est pas une bonne idée, nous deux” ajoute-t-il.
Ma gorge se serre. Je ne peux pas le croire.
“Depuis quand t’as décidé ça ?”
“Depuis que j’y ai réfléchi” répond-il d’une voix que je ne lui reconnais pas.
Pardon ?
“Et t’as réfléchi quand, exactement ? Entre le moment où t’as décidé de te barrer et celui où je t’ai rattrapé ?”
“On est trop différents, Maxence. Et je suis pas sûr que ça puisse marcher entre nous. Et puis, y a les parents.”
“C’est pas une raison, on en a déjà parlé.”
Je suis plus calme que je ne devrais l’être. Parce que j’attends la vraie raison. Je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense, ce qui le met dans cet état.
Noah se passe une main sur la nuque. Il est tendu, prêt à me balancer n’importe quoi pour que je lâche l’affaire. Je peux voir les rouages de son cerveau en action, mais je n’arrive pas à comprendre sa décision soudaine.
“Tu mérites quelqu’un d’autre.”
Mon estomac se tord.
“C’est pas à toi d’en décider.”
“Maxence…”
“Noah, arrête.”
Je vois sa mâchoire se crisper. Il lutte, c’est indéniable. Mais contre quoi ?
Je le connais, putain. Il a peur de dire quelque chose qu’il ne pourra pas rattraper. C’est quoi son problème ?
“J’ai raté un truc ? Qu’est-ce qui se passe, Noah ? Tu sais que tu peux tout me dire, alors dis-moi la vérité, s’il te plaît” le supplié-je presque.
“Max… C’est trop dur. Tu comprendrais pas” chuchote-t-il.
“Bien sûr que si, il suffit que tu me le dises. Qu’est-ce qui se passe, Noah ?”
Et puis, alors que je ne m’y attends encore moins, il lâche d’une voix un peu plus assurée, mais toujours bancale :
“Je sais pas ce que je fous avec toi.”
“C’est la pire excuse que tu pouvais trouver.”
“C’est la seule qui compte.”
Mon cœur se serre.
Il veut partir. Je le vois dans sa posture, dans sa respiration trop rapide. Il attend que je baisse les bras, que je le laisse s’éloigner pour de bon.
Mais je ne peux pas.
C’est impensable de le laisser partir alors que tout en lui crie que quelque chose ne va pas. Pourtant, je ne suis pas certain de trouver les bons mots pour lui faire entendre raison. Et je suis encore moins sûr de réussir à le faire changer d’avis.
Il s’est passé quelque chose, j’en suis persuadé. Hier encore, tout allait bien. Tout allait tellement bien.
“Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que c’est ce que tu veux, que c’est fini entre nous.”
Il hésite une seconde. Juste une seconde.
Puis il me regarde.
“C’est fini.”
Et il ment. Je n’arrive pas à le croire. C’est impossible.
Je ressens la douleur avant même qu’elle ne frappe. Un coup sourd, sans impact visible, mais qui résonne dans mon corps entier. Ma respiration devient difficile. Je ne veux pas y croire. Mais je ne peux pas le forcer à me donner une vérité qu’il refuse d’assumer.
Alors je fais ce qu’il attend de moi : je recule d’un pas. Il baisse enfin les yeux. Sans un mot de plus, il tourne les talons et s’éloigne.
“Noah !” tenté-je une dernière fois d’une voix rauque.
Mais il ne se retourne pas. Il a l’air triste et en colère, mais en colère contre qui, contre quoi ?
Je ne le retiens pas. Parce que je vois qu’il n’en a pas envie. C’est la première fois que je le vois aussi résigné. Je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe dans sa tête.
Dans la mienne, c’est le chaos total. Bordel, ça fait mal.
Je reste planté là, le regardant s’éloigner. Le vent fait voler ses cheveux. Où va-t-il ? J’en sais rien. Mais moi, j’ai l’impression de perdre quelqu’un.
Je prends mon téléphone dans ma poche pour appeler Emily, Jasmine, Dean ou peu importe qui, juste pour essayer de comprendre ce qui s’est passé.
Ma main tremble, je n’arrive même pas à déverrouiller l’écran. Mes yeux sont embués par les larmes qui menacent de couler, mais je les retiens. Je veux être plus fort que ça, parce que je refuse d’y croire. Ça ne peut pas se terminer alors que ça n’a pas réellement commencé.
Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Pourquoi est-ce qu’il ne m’a rien dit ? Pourquoi là, d’un coup, tout va mal ? Est-ce qu’il a joué avec moi ?
Non. Il avait l’air si sincère… Mon cœur se serre, se tord dans tous les sens dans ma cage thoracique et d’un coup, j’ai l’impression d’avoir le cœur à l’envers.
Je reste là, planté au milieu de la rue, incapable de bouger, de penser. Mon corps refuse de retourner à la fête, comme si admettre que Noah est parti revenait à admettre que je l’ai réellement perdu.
C’est pas possible.
Il y a encore quelques heures, il était là, avec moi, à me sourire, à m’embrasser comme si c’était une évidence, à me regarder comme si j’étais quelqu’un d’important.
Et maintenant ?
Maintenant il est parti comme si j’étais un poids qu’il devait absolument larguer.
Ma gorge se serre, un goût amer remonte dans ma bouche. J’ai envie de hurler, de courir après lui, de le secouer jusqu’à ce qu’il crache enfin la vérité. Parce que je le sais. Il ment. Il y a quelque chose d’autre, pour qu’il veuille que tout s’arrête.
Mais mes jambes ne bougent pas.
Je serre mon téléphone dans ma main. Ma seule échappatoire, mon dernier recours. Mon téléphone glisse de ma main et s’écrase sur le sol dans un bruit sourd.
“Putain…”
Ma voix se casse dans un souffle. Je ravale ma salive, mais ça ne passe pas, ça bloque, ça m’étrangle, ça fait mal.
Je ferme les yeux une seconde. Juste une seconde, pour empêcher les larmes de couler.
Non. Pas ici. Pas maintenant.
Je range mon téléphone brisé dans ma poche d’un geste brusque. Ça ne sert à rien. Personne ne pourra m’expliquer pourquoi Noah vient de casser tout ce qu’on avait jusqu’à maintenant.
Est-ce que c’est moi le problème ?
Mon cerveau repasse chaque conversation, chaque regard, chaque moment, en cherchant le détail que j’aurais loupé. Un signe, n’importe quoi qui aurait pu m’indiquer que ça allait mal, que Noah préparait sa fuite. Mais tout se mélange dans ma tête, comme une tempête qui emporte tout sur son passage, et je suis incapable de remettre de l’ordre dans ce chaos.
Bordel.
Je finis par bouger. Un pas, puis un autre. Sans savoir où aller.
Je pourrais rentrer chez moi, mais l’idée de devoir participer à cette fête des voisins, en faisant semblant que tout va bien, me donne envie de vomir.
Alors je marche. J’erre dans les rues de mon quartier, volontairement. Parce que tant que j’avance, je n’ai pas à penser au vide qu’il vient de laisser derrière lui et à mon cœur qui fait mal.
En même temps, je sais qu’il n’aura pas d’autre choix que de revenir à la maison. Peut-être que la seule solution c’est d’attendre qu’il rentre pour lui parler.