Singpraise - Fantasy Romance
Afin d’éviter un mariage forcé, l’archiduc Escalante invente un idéal féminin… totalement opposé à sa prétendante ! Pour rendre son mensonge crédible, il engage même une fausse fiancée. Mais une erreur de casting propulse Chloé, mage intrépide, dans le rôle. … plus
Tehis Escalante, l’archiduc du Nord réputé pour son indifférence envers la gent féminine, ne comprenait franchement rien à la situation. Lisa, son assistante avec qui il avait réfléchi à un moyen de rejeter la demande en mariage de la princesse, lui avait ramené une archiduchesse provisoire. Elle lui avait expliqué succinctement que la guilde de renseignements leur avait fait parvenir une femme correspondant en tout point à son idéal.
“Mon… idéal ?”
“C’est exact. Ils ont précisé qu’ils avaient eu du mal à la trouver, car vos critères étaient très exigeants.”
Comment avaient-ils pu savoir en quoi consistait son idéal alors que lui-même l’ignorait ? L’homme jeta un regard glacial en direction de la femme, qui s’excitait.
J’ai sorti ce qui me passait par la tête pour me débarrasser de cette princesse, mais je ne me rappelle pas avoir parlé de genre idéal… Attends.
Tehis s’arrêta un instant et Lisa en profita pour ramener l’inconnue dans le bureau. Elle tenait une jeune femme visiblement mal à l’aise, et commença à énumérer “le type idéal de l’archiduc d’Escalante”.
“De longs cheveux ondulés d’une mystérieuse couleur lavande !”
La princesse a des cheveux blonds et raides, je n’ai fait que décrire son opposé.
“Des yeux orange comme le soleil couchant !”
La couleur complémentaire des pupilles bleues de la princesse.
“Une peau lisse sans aucun défaut !”
J’avais précisé ce détail parce que la princesse a un grain de beauté au-dessus de la bouche.
“Un regard qui brille de tendresse et d’affection !”
“Pardon ?”
C’est vrai que j’avais donné ce détail parce que la princesse est hautaine et qu’elle regarde les autres de haut.
“Un corps si mince qu’il tient parfaitement dans un seul bras !”
“Où… Où est-ce que vous croyez me toucher ?!”
La princesse manie l’épée donc est plutôt robuste…
L’archiduc, qui remettait enfin les pièces du puzzle ensemble, se passa la main sur le visage.
On veut juste me rendre fou.
Qui aurait cru que quelqu’un lui créerait un genre idéal en rassemblant l’ensemble des caractéristiques inverses de la princesse ? Il trouvait ça déjà incroyable qu’il existe une personne correspondant en tout point à ces critères. D’autant plus qu’il s’agissait d’une combinaison de couleurs rare.
Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, son assistante fit appeler les domestiques pour apprêter la nouvelle venue et la lui présenter sous un meilleur jour. Il aperçut quand même la jeune femme, toujours aussi confuse, au milieu de la foule qui se dirigeait vers la salle d’habillage attenante au bureau.
“Mais… Attendez !”
Sa voix aiguë disparut derrière la porte. L’archiduc ressentait un étrange inconfort, mais ce n’était pas ce qui importait à l’heure actuelle. Il n’avait pas l’intention de rester spectateur d’événements pour lesquels il n’avait jamais donné son accord.
“Lisa Vilstein.”
“Oui, monsieur !”
Tehis fronça légèrement les sourcils en entendant la voix enjouée de la femme d’âge moyen qui revenait de la salle voisine. Il était rare qu’elle se montre animée comme elle l’était, et il crut se trouver devant une entremetteuse excitée par sa mission.
Je me disais bien que je la trouvais agitée en ce moment… C’est une sorte de cadeau surprise de sa part ?
L’archiduc se massa la nuque d’un air las et détendit ses muscles. Il comprenait les sentiments de ses rares fidèles sujets, mais ce n’est pas pour autant qu’il appréciait la situation. Rien qu’à voir l’attitude perdue de l’inconnue, il savait déjà comment cela allait se terminer.
Elle sera loin de jouer ma bien-aimée. Elle va bégayer et tenir ses distances. Que peut-elle bien espérer de l’assassin assoiffé de sang dont parlent toutes les rumeurs ?
Il claqua sa langue puis dit d’un ton sec :
“C’était inutile. On va se faire immédiatement démasquer.”
“On m’a assuré qu’elle était excellente comédienne. Essayez de lui faire confiance. Nous allons la tester et si elle ne vous plaît vraiment pas, nous la renverrons.”
“C’est vraiment la seule solution ?”
“N’est-ce pas la méthode la plus sûre que nous ayons ? Si vous entretenez une relation avec une autre femme, Son Altesse n’aura plus de raison tangible de vous importuner.”
Il ne pouvait le nier, puisque la princesse lui avait fait remarquer qu’il était temps qu’il se trouve une épouse.
C’est vrai que la situation du Nord est dangereuse pour plusieurs raisons, et que si je venais à mourir sans engendrer de successeur, ça pourrait devenir problématique. Pour autant, je ne peux accepter un membre de la famille impériale. La princesse dit m’aimer, mais son père est agacé à l’idée de ne pas parvenir à annihiler ma famille. Il est aisé de comprendre que c’est par raison politique qu’il n’arrête pas sa fille, alors comment pourrais-je approuver cette union ? Qui sait si quelqu’un ne m’empoisonnera pas dès le premier jour de mon mariage ?
L’homme secoua la tête, pris dans ses pensées.
“La princesse sait sûrement que je ne fréquente personne.”
“C’est pour ça que je vous ai ramené votre genre idéal. Il vous suffira de prétexter l’avoir cachée volontairement ou rencontrée il y a peu et avoir eu le coup de foudre, non ?”
La réponse désinvolte de son assistante le laissa sans voix. Il n’avait aucune idée de comment lui expliquer que la femme ramenée plus tôt ne lui plaisait pas particulièrement.
Quoi que, suis-je vraiment obligé de me justifier ?
Il tirerait peut-être un bénéfice à jouer le jeu et participer à ce plan ? Après quelques instants de réflexion, toc toc toc, quelqu’un frappa à la porte.
“Monsieur, Son Altesse Héléna est ici.”
Il ferma les yeux en pensant à cette femme qui s’était présentée sans prévenir. Combien de temps encore allait-il devoir supporter cette humiliation ? Il avait beau être le seigneur du Nord, il était impuissant face à la famille impériale et se faisait dénigrer non pas par l’empereur, mais par la fille de ce dernier. Il n’était rien d’autre qu’un jouet pour elle. Il secoua la tête à cette idée désolante.
“Que tout le monde sorte. On remet le plan à plus tard. Et conduis Son Altesse à la salle de réception.”
“Bien, monsieur.”
L’homme regardait par la fenêtre alors que son assistante et les domestiques se retiraient. Une nuée d’oiseaux traversait librement le ciel bleu. La liberté. Un mot qui faisait rêver.
C’est vraiment ennuyeux.
Il lâcha un soupir discret et se retourna en entendant le raffut qui approchait du bureau. Malgré l’épaisseur du mur, il entendait qu’on essayait de retenir la princesse, en vain.
Vlam !
La jeune femme qui entra en ouvrant la porte elle-même se tint face au maître des lieux, imposante. Les cheveux blonds et les yeux bleus symboles de la famille impériale. D’elle émanaient une prestance et un orgueil qui semblaient témoigner de la noblesse de ses origines.
“Escalante.”
“Qu’est-ce qui vous amène dans cet humble bureau, Votre Altesse ?”
“Je voulais te voir plus vite.”
C’était la cadette de la famille impériale et surtout la seule princesse. Héléna Harpéon avait grandi chouchoutée par son entourage. Elle faisait tout ce qu’elle voulait et obtenait tout ce qu’elle désirait. Le manque d’étiquette évident dont elle faisait preuve était sa façon de mettre en avant son amour propre, comme si elle répondait à ceux qui la critiquaient : “Et alors ? Qu’est-ce que tu vas faire ?” Ce qui rendait le tout encore plus énervant.
“Je vois. Je suis navré, mais ces lieux ne sont pas convenables pour recevoir une invitée. Allons dans…”
“Escalante. J’ai réfléchi au pourquoi de ton refus.”
Celle qui venait d’interrompre l’archiduc dans sa phrase leva le menton de façon tout à fait hautaine.
“Je sais que c’est pour une raison politique. Puisque tu dois de toute façon te marier avec moi, autant en tirer le maximum de profits, non ? Mes servantes m’ont expliqué que c’était pour ça que tu jouais les ‘hommes inaccessibles’.”
“Avez-vous écouté la moindre chose que je vous ai dite, Votre Altesse ?”
“Oui. Mais, tu croyais que j’ignorerais que ce n’étaient que des excuses ?”
Héléna était intelligente, même si elle passait parfois à côté de l’essentiel. Il en devenait regrettable qu’elle ne se serve de sa tête que pour combler ses désirs. Elle en avait elle-même conscience, et Tehis aussi.
C’est pour ça qu’elle est encore plus embêtante.
La princesse émit un rire narquois devant l’archiduc, qui restait impassible.
“Qu’est-ce que tu dis de ça, dans ce cas ? Au début, je voulais gagner ton cœur, mais je vais aller discuter avec mon père et lui demander de t’envoyer une demande en mariage avec des conditions généreuses. Ça devrait te satisfaire, non ?”
Le sang de Tehis se glaça. À cause de qui la région Nord se trouvait-elle dans cet état pitoyable ? Elle pensait le rendre reconnaissant pour cette aumône ? Il était consterné que l’idée qu’il la déteste justement parce qu’elle avait du sang impérial ne lui traverse pas l’esprit.
Elle se moque certainement de la situation dans laquelle je me trouve.
Le chevalier aux cheveux noirs serra le poing. Elle avait beau prétexter faire preuve de bonté à son égard, elle l’obtiendrait par la force en fin de compte. Et cette proclamation implicite l’horrifiait. Il aurait fait des efforts si elle l’avait vraiment aimé, mais à ses yeux, il n’était qu’un objet qu’elle convoitait. N’importe qui pouvait voir que ce n’était pas de l’affection qu’elle attendait, mais du divertissement. Un petit jouet dont elle se débarrasserait sans hésiter au moment où il deviendrait inutilisable.
“Mon cœur est déjà pris.”
“Hein ?”
Il lui avait sorti cette excuse comme par réflexe et profita du ricanement d’Héléna pour réfléchir. Il n’avait pas eu l’intention de lui dire cela et avait donc besoin de choisir avec soin ce qui allait suivre.
“Je ne la fréquente pas depuis longtemps, mais je l’aime sincèrement. Alors, je vous prierais de reconsidérer cette demande en mariage.”
“Tu l’aimes ? Toi ? Tu ne trouves pas que ton mensonge est un peu grossier ?”
Le chevalier baissa les yeux devant le ton confus de son interlocutrice. L’attitude de cette dernière montrait qu’elle était persuadée que ce genre de sentiment ne pouvait pas l’habiter, et il ne pouvait pas la blâmer pour cela. Le chevalier de fer. Le monstre du Nord. L’épée sans cœur. Le massacreur de civils. Il n’avait aucunement la prétention de nier le prix qu’il avait dû payer pour survivre.
La princesse savait que ce n’était pas de l’amour ou de l’affection qu’elle obtiendrait de l’archiduc, mais de la loyauté et de la reconnaissance. Parce que le dresser lui offrirait beaucoup d’avantages.
“Vous ne me croyez peut-être pas, mais c’est la vérité. J’ai l’intention de faire d’elle l’archiduchesse et d’avoir un héritier.”
“Ta plaisanterie n’est pas drôle, Escalante. Même si par le plus grand des hasards ce n’était pas un mensonge, impossible que cette femme t’aime en retour. C’est très certainement une vipère qui n’en veut qu’au titre que tu lui offriras, tu ne penses pas ?”
Il serait chanceux de ne pas être manipulé par une croqueuse de diamants, c’est vrai. L’homme se mura dans le silence alors que la princesse, les bras croisés, claquait sa langue.
Le responsable du Nord, une région en déclin. L’homme bourru qui tue de sang-froid et qui ne sait exprimer ses sentiments. Celui qui est haï par l’empereur et dont la liste des surnoms diaboliques est d’une longueur sans pareille. Et pour couronner le tout, une cicatrice était venue abîmer son beau visage, le rendant difficile à aimer.
Il n’y avait rien de nouveau dans tout cela.
“Cette fois-ci, tu m’as sorti un beau mensonge. Mais j’arrête de fermer les yeux sur tes faux-fuyants. Je te ferai parvenir une demande en mariage officielle à mon retour au palais, alors…”
Clac.
Les deux se retournèrent en direction de la porte de la salle d’habillage qui venait de s’ouvrir subitement.
Un assassin ?!
Aucun n’avait senti sa présence et ils cherchèrent frénétiquement à s’emparer de leur arme, mais ils se figèrent en apercevant la demoiselle qui approchait. Des cheveux en bataille et des lèvres teintées de rouge. Sa robe décolletée laissait apparaître une trace de baiser. La rougeur de son teint qui n’avait pas encore disparu laissait tout à fait deviner ce qui venait de se passer.
“Darling, pourriez-vous m’aider à trouver ma boucle d’o… Ciel !”
La femme qui cherchait désespérément une boucle d’oreille remarqua la présence de la princesse. Ses yeux s’écarquillèrent instantanément. Elle recula, ne sachant que faire, puis accourut vers l’archiduc dont elle prit la main.
“Je suis désolée, chéri. Je ne savais pas que vous receviez quelqu’un. Les pièces sont tellement bien isolées…”
Ché… ri ? Darling ?
Tehis se figea quand il comprit que ces surnoms lui étaient adressés. Il était tellement abasourdi par ce qui se passait qu’il n’avait même pas songé à retirer sa main. C’est Héléna qui répondit à sa place, d’une voix hésitante.
“Qu’est-ce que…”
“Tess m’avait pourtant assurée qu’il n’avait rien de prévu… Ça doit être urgent. Je vais m’en aller, ne vous préoccupez pas de moi et continuez votre discussion.”
Tess ? Elle parle de moi ?
Le diminutif qu’on venait de lui donner le laissa encore plus pantois. La princesse, elle, scannait rapidement sa rivale. Elle ne l’avait jamais vue nulle part, mais son analyse lui fit prendre conscience d’une chose.
Des cheveux violets. Des yeux orange. Une peau sans défaut. Un regard affectueux. Un corps svelte.
Tous ces détails lui rappelaient quelque chose. Elle eut alors un rire mauvais. La jeune femme, elle, leva la tête vers Tehis. Elle se mit sur la pointe des pieds et approcha son visage avec un sourire complice.
“On se retrouve dans la chambre, mon amour.”
Smack.
L’impertinente adressa un clin d’œil à l’homme pétrifié puis sorti du bureau. L’archiduc et la princesse se tenaient là, se regardant droit dans les yeux alors que le vent venu de la fenêtre soufflait entre eux.
“…”
“…”