Sim Hyeonu et Gang Eunjae étaient tous les deux les derniers nés de familles aisées, dont les parents les avaient mis au monde sur le tard. Fait curieux, chacun d’eux avait même un grand frère plus âgé.

Leurs parents étant très proches, ils avaient pris l’habitude, dès quatre ans, de passer du temps chez l’un et l’autre. Hyeonu, timide et réservé, avait peu d'amis de son âge, mais il s’entendait très bien avec Eunjae, plus extraverti.

À cinq ans, cependant, Eunjae dut s’éloigner quand l’entreprise de son père fit faillite, forçant sa famille à déménager loin de son ami. Devoir quitter son école maternelle l’attristait, mais il n'avait pas le choix.

Ce qui lui pesait le plus, c'était sa séparation avec son meilleur copain. Ils scellèrent une promesse en enroulant leurs petits doigts : malgré la distance, ils s'écriraient des lettres.

Eunjae retint ses larmes tant bien que mal et se fit une promesse intérieure. Il se ferait beaucoup d'amis dans sa nouvelle école pour ne pas inquiéter Hyeonu ! Et le lendemain de son déménagement, quand il arriva à sa nouvelle école maternelle, son meilleur ami était là.

“Qu’est-ce que tu fais là, Hyeonu ?”

“Bah… J’ai supplié mon père.”

À l'époque, ces quelques mots entrecoupés de sanglots étaient pour Eunjae un véritable cadeau du ciel.

Les deux enfants, le visage enlaidi par les larmes, oublièrent même de se présenter à leurs nouveaux camarades et se jetèrent dans les bras l’un de l’autre. C’était comme si le Père Noël les avait récompensés d’avoir été sages toute l’année.

Avec le recul, cette anecdote faisait tiquer Eunjae, mais à ce moment-là, tout ce qui lui importait était de pleurer et de renifler, les bras autour de Hyeonu. Le temps passa, et le nouveau projet d'entreprise du père d’Eunjae connut finalement le succès. Ainsi, ils restèrent ensemble à l'école primaire, puis au collège.

L'été de leurs quatorze ans. Eunjae avait toujours été persuadé d’être un bêta. Alors quand les résultats de l’examen de genre révélèrent qu’il était un oméga, il fut bouleversé. Hyeonu était resté aux côtés de son ami pour le réconforter, à le regarder pleurer, recroquevillé dans un coin.

Depuis, il s’assurait toujours qu’Eunjae prenne ses inhibiteurs, si contraignants soient-ils. Et maintenant, ils étaient des lycéens de dix-huit ans.

“Ouf ! Merci, Hyeonu. Grâce à toi, j'ai pu avoir toutes les cartes en édition limitée.”

Ils étaient toujours ensemble, même après tout ce temps.

“Tu ne t’en lasses jamais ?” demanda Hyeonu.

“Tu plaisantes, j’espère ? Si ça ne tenait qu’à moi, on le regarderait encore trois fois.”

“Ouais, bah, ça sera sans moi. Allez, viens. Allons manger.”

Cela faisait un moment que Hyeonu se laissait traîner au cinéma pour voir le personnage préféré d’Eunjae. Bien que ce dernier soit devenu un otaku invétéré, son ami ne se lassait jamais de le suivre partout.

Hyeonu avait l'air fatigué. C'était compréhensible. Rien que ce matin, ils avaient visionné le film trois fois d'affilée. D’habitude, il arborait toujours un air renfrogné, mais sa mine morose s’était encore plus obscurcie à cause des plans d’Eunjae.

Le jeune homme avait beau insister en affirmant qu'il n'était pas obligé de l’accompagner, Hyeonu le suivait toujours, moyennant un ou deux jurons.

Que ce soit pour acheter un artbook en édition limitée ou pour faire la queue dès l'aube afin de récupérer des goodies, Hyeonu se tenait toujours fidèlement à ses côtés, arguant que Eunjae aurait besoin de bras pour porter ses emplettes.

“Bon, tu as sûrement faim. Qu’est-ce que tu veux manger ?”

“Ce que tu veux.”

Hyeonu répondait toujours ainsi, alors Eunjae conclut qu’il voulait du tonkatsu. Puisque son ami ne donnait jamais son avis, autant choisir à sa place.

“Le tonkatsu du resto qui a ouvert récemment, ça te dit ?” demanda-t-il distraitement.

“Eunjae.”

“Ils disent que la viande fond littéralement dans la bouche. C’est tout récent, il se trouve dans le bâtiment B” continua Eunjae.

“Eunjae…”

“C’était par où, déjà ? Attends, arrête de me parler une seconde. Il faut que je me rappelle le chemin. Voyons voir… Ah, c’est bon ! C’est par là.”

“Je t’aime.”

“Si on continue tout droit, on… Hein ?”

Après dix-huit ans d’une amitié paisible, une météorite géante s’était écrasée entre nous. En chemin pour manger du tonkatsu, mon meilleur ami m’a avoué ses sentiments.