Après la pluie

MORY - Boys Love

Jeongu revient dans la maison familiale, éreinté par la vie à la capitale. Il y rencontre Junyeong, un jeune homme recueilli par ses parents. Leur première rencontre est maladroite, et les jours passant, des malentendus s’accumulent alors qu’ils tentent de … plus


16 Épisodes

Épisode 1

 

Deux lumières rouges dansaient en scintillant vivement. La barrière, qui était dressée haut vers le ciel, s’abaissa lentement pour barrer la vue qui donnait sur la route en face. Puis, une sonnerie que j’avais entendue à l’école dans mon enfance résonna puissamment.

 

Ding ding.

 

La tonalité constante, qui ressemblait au pendule d’une horloge, se répéta en faisant bourdonner mes oreilles. Ce son si régulier me donnait presque la chair de poule et me rendait nerveux, alors je resserrai inconsciemment ma prise sur le volant.

 

J’avais allumé la climatisation à cause de la chaleur torride de l’été, mais j’eus l’impression de sentir une goutte de sueur glisser le long de ma mâchoire à cause de l’étrange tension que j’éprouvais.

 

J’augmentai le bruit de la radio pour couvrir cette sonnerie si désagréable, mais je devais avoir dépassé la zone qui couvrait la fréquence que j’avais trouvée, car je n’entendis qu’un crépitement.

 

Pff. Je fis claquer ma langue à ce bruit désagréable, et comme je sentais qu’il n’allait qu’ajouter à mon irritation, je décidai de l’éteindre. Je n’entendais plus le son de la radio, qui ressemblait à un acouphène, mais la sonnerie, elle, semblait ne jamais vouloir s’arrêter.

 

Je retirai mes mains qui serraient inutilement le volant pendant un instant et regardai la lumière à travers la vitre.

 

Ding ding.

 

La lampe rouge clignotait lentement au rythme du signal sonore, mais elle paraissait étrangement pressante. Mon index se mit à tapoter le volant au rythme des appels lumineux.

 

Une sirène retentit longuement, puis une vibration puissante secoua le sol. Je tournai la tête dans la direction d’où venait l’avertissement sonore, et j’aperçus une longue ombre noire au loin. Elle semblait se rapprocher lentement, mais j’eus à peine le temps de cligner des yeux qu’elle avait déjà atteint la barrière et qu’elle traversait les voies ferrées à grande vitesse.

 

Les herbes folles et les feuilles vertes sur les arbres se mirent à onduler sous l’effet de la bourrasque créée par son passage. Le bruit métallique de la ferraille me déchira les oreilles. Mais le train défila sous mon regard et disparut rapidement avant même que je ne puisse me les couvrir.

 

Le train, qui avait momentanément bloqué ma vue, continua sa route en dévoilant à nouveau sous mes yeux le paysage que j’avais aperçu plus tôt, et la sonnerie cessa également. Je regardai la barrière jaune, qui bloquait le chemin, se relever, et j’enclenchai la première vitesse pour que la voiture, qui était au point mort, se remette à avancer lentement.

 

Après avoir vu le train filer, j’avais voulu moi aussi rouler à toute vitesse sur la route, mais malheureusement, ma destination n’était pas très loin du passage à niveau où je venais de m’arrêter.

 

C’était une ruelle avec de petits bâtiments hauts de quatre étages tout au plus, tous serrés les uns contre les autres. Il fallait essayer la poignée des portes des restaurants et des magasins pour savoir s’ils étaient ouverts ou fermés, mais c’était en somme un lieu agréable.

 

Un groupe de jeunes gens portant des chemises et des pantalons identiques marchaient dans la rue, ce qui indiquait qu’il y avait une école à proximité. Je roulai prudemment au pas, car cette ruelle étroite n’avait pas de trottoirs.

 

Peu après, le GPS annonça pour la dernière fois que j’étais arrivé à destination et j’aperçus un panneau sur lequel était inscrit “pharmacie centrale”. Je tournai la tête pour vérifier s’il y avait une place de stationnement dans les environs.

 

Je ne vis pas d’endroit approprié, seulement des places réservées aux habitants devant leurs immeubles respectifs. Je n’aurais qu’à en chercher une plus tard.

 

Avec un soupir, je me garai le plus près possible du bâtiment afin de ne pas gêner la circulation, et je coupai le contact. Je pris les bagages que j’avais jetés à la hâte sur la banquette arrière lors de mon départ.

 

Je n’avais que quelques vêtements dans un sac de sport facile à transporter ainsi que mon ordinateur portable dans un sac à dos que j’avais l’habitude d’emporter partout. Et comme je n’avais plus de place dans mes sacs je pris ma vieille paire de baskets à la main. C’était tout ce que je possédais.

 

Je sortis de la voiture avec un bagage sur chaque épaule, verrouillai les portières, puis je me tins devant la porte de la pharmacie où je venais d’arriver. À cause de mon chargement, j’avais initialement l’intention de pousser la porte sans tarder, mais contre toute attente, elle était fermée.

 

J’essayai d’abord de la pousser, puis de la tirer. Mais elle resta fermement close et ne sembla pas vouloir bouger d’un pouce. Je jetai un coup d’œil à travers la vitrine pour voir à l’intérieur de la pharmacie.

 

Je ne discernai qu’un espace plongé dans la pénombre. Je m’attendais à ce que l’endroit soit moins lumineux comparé au soleil qui brillait intensément en cette belle journée, mais il était vide et les lumières étaient toutes éteintes.

 

Je fouillai dans ma poche de ma main droite qui était encore libre, et j’en sortis un téléphone que je n’avais jamais consulté auparavant. L’heure était affichée en grand sur l’écran de veille parce que je n’avais reçu aucun message ni appel.

 

Je soupirai face au numéro associé au contact du propriétaire de la pharmacie et j’essayai plutôt de composer un numéro que je connaissais.

 

“Le correspondant que vous essayez de joindre n’est pas disponible pour le moment. Veuillez laisser un message…”

 

Pas de réponse, seulement un long signal. Je remis mon téléphone dans ma poche après cette tentative infructueuse. Il était peu probable que le propriétaire de la pharmacie revienne avant l’heure convenue.

 

Je regardai autour de moi pour voir s’il y avait un endroit où je pouvais passer le temps en attendant, mais c’était impossible de trouver ce genre de lieu dans un quartier rural si tranquille.

 

Je n’avais pas envie de rester coincé dans la voiture après avoir fait une longue route. Cependant, n’ayant pas d’autre alternative, je restai debout devant la porte, perdu dans mes pensées, en me demandant si je ne devais pas réessayer d’entrer dans la pharmacie.

 

“Est-ce qu’il y a quelqu’un à l’intérieur ?”

 

Je tournai spontanément la tête en entendant une voix inconnue. Au loin, j’aperçus un jeune homme portant un t-shirt blanc assorti à un jean foncé avec des baskets et une casquette noire. Il regardait dans ma direction. Son visage était couvert par sa casquette.

 

“Tu es venu acheter des médicaments ?” demanda-t-il.

 

Je n’aimais pas sa manière de me toiser en m’adressant la parole à brûle-pourpoint sur un ton très familier. Mais comme le propriétaire était absent, je hochai la tête en silence.

 

“Je vais ouvrir la porte, écarte-toi.”

 

Il remua la main. Je fis un pas en arrière et retirai mon pied du rebord métallique devant la porte pour lui laisser la place.

 

Il se tint à l’endroit où j’étais plus tôt et sortit un trousseau de clés de sa poche arrière comme s’il s’agissait d’un geste habituel, puis il se dressa sur la pointe des pieds pour insérer la clé qu’il avait choisie sans hésiter dans le trou d’une serrure.

 

Il tourna la clé sans forcer et on entendit bientôt un cliquetis. Puis, après avoir tiré sur la porte vitrée qui ne bronchait toujours pas, il s’accroupit.

 

“C’est aussi verrouillé en bas. Attends un instant.”

 

Il procéda de la même manière qu’il l’avait fait pour la serrure d’en haut. Il se redressa et tira la poignée, de sorte que la porte fermement close s’ouvrit facilement. Les carillons qui accueillaient les clients lorsqu’ils entraient se mirent à sonner bruyamment.

 

Le jeune homme entra et alluma les néons comme si c’était sa routine, puis il mit en marche la climatisation pour chasser la chaleur. Ensuite, il pénétra dans un espace réservé au propriétaire de la pharmacie et alluma la télévision qui était fixée sur l’un des murs.

 

Je réfléchissais à la manière de réagir face à cette situation en observant tous ses faits et gestes à travers la vitrine lorsqu’il me fit signe de la main.

 

“Il fait chaud” déclara-t-il, “entre et tu pourras attendre à l’intérieur.”

 

Le geste qu’il avait fait tout à l’heure pour me demander de m’écarter n’était pas particulièrement appuyé, mais cette fois-ci, il remuait la main avec insistance pour me dire de venir à l’intérieur.

 

J’hésitai un instant, mais comme je n’avais nulle part où aller, j’entrai dans la pharmacie. L’atmosphère dans la boutique était aussi étouffante qu’à l’extérieur parce que cela ne faisait pas longtemps que la climatisation avait été allumée.

 

Le jeune homme sortit une boisson vitaminée et une glace d’un réfrigérateur, et me tendit ensuite un verre.

 

“Le propriétaire s’est absenté un moment, mais il sera bientôt de retour. Tu peux poser tes bagages sur ces chaises là-bas.”

 

Il désigna du menton des chaises en bois alignées près de la porte qu’on aurait pu trouver dans une chapelle d’église.

 

Elles avaient l’air très inconfortables, mais comme je n’avais pas d’autre siège où m’asseoir, je posai mes bagages sur l’une d’elles et je m’assis sur une chaise voisine avec la boisson vitaminée à la main.

 

La bouteille en verre qui venait de sortir du réfrigérateur était encore fraîche et elle me fit oublier la chaleur, alors je la gardai à la main sans la boire tout de suite. Le jeune homme mordit dans la glace qu’il avait prise avec la boisson et alluma aussi un ventilateur.

 

Après avoir appuyé plusieurs fois sur un bouton, il se mit à fonctionner en se tournant d’un côté puis de l’autre. Un faible bourdonnement émanait de l’appareil qui semblait assez vieux. Le jeune homme saisit la télécommande et fixa son regard sur la télévision.

 

Au lieu de changer de chaîne, il scruta la grille des programmes pour voir s’il y avait quelque chose à regarder. Puis, il finit par se décider et appuyer sur un bouton après avoir longuement considéré l’écran. Il posa ensuite la télécommande, enleva ses chaussures et alla se placer derrière le comptoir. Enfin, il retira sa casquette et la posa sur le dessus.

 

Je n’avais pas accordé d’importance à ses gestes, notamment quand il avait enlevé ses chaussures avant de se placer derrière le comptoir, à cause de l’organisation de la pharmacie, mais je n’aurais jamais pensé que le simple fait de retirer sa casquette attirerait mon attention. Je me sentais embarrassé.

 

Je pus clairement voir son visage aux traits bien dessinés qui était auparavant caché par sa visière. Je distinguai au premier regard ses paupières sombres, ses grands yeux et ses lèvres subtilement écarlates.

 

C’était presque difficile de croire qu’il était bien un homme à cause de sa peau pâle et éclatante qui semblait dorer facilement au soleil, c’était un visage que l’on qualifierait de joli plus que beau. Lorsque je l’avais aperçu devant la porte, son regard était légèrement plus haut, mais j’aurais pu le prendre pour une fille s’il n’était pas aussi grand.

 

Je le dévisageai longuement sans souffler un seul mot. Bien qu’il eût normalement dû sentir mon regard sur lui, il n’en fit rien et garda ses yeux fixés sur la télévision en prenant une grosse bouchée de la glace qu’il tenait à la main.

 

Je me tournai naturellement vers l’écran, car cela aurait été impoli de continuer à l’observer plus longtemps. Un programme de divertissement passait à la télévision. Le présentateur expliqua le jeu à l’avance, puis des célébrités apparurent et se mirent à jouer selon les règles.

 

Chaque fois qu’une scène susceptible d’amuser le public survenait, les sous-titres défilaient et le son des rires résonnait comme des effets spéciaux. Cela ne signifiait pas du tout qu’il y avait des gens qui riaient en même temps. Au contraire, cela n’avait aucun intérêt et c’était plutôt ennuyeux.

 

Le temps s’écoula encore plus lentement que je ne le pensais. Le propriétaire de la pharmacie, qui devait revenir bientôt, ne semblait pas en avoir l’intention, et il n’y avait que le jeune homme et moi qui regardions la télévision sans échanger un seul mot.

 

Soudain, l’une des émissions prit fin et la publicité se mit à battre son plein après l’annonce du prochain programme. Il ne changea pas de chaîne, peut-être parce qu’il voulait continuer à la regarder, mais après avoir jeté quelques coups d’œil dans ma direction, il brisa le silence.

 

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