Deux maris, un seul cœur

Kum Eunha - Fantasy Romance

Accusée de trahison à cause des crimes de son père, Roselyne voit son avenir sombrer, jusqu’à ce que l’archiduc Melchior intervienne. Il sauve sa famille, paie leurs dettes et… l’épouse. Mais pourquoi ce puissant chevalier vient-il en aide à une … plus


17 Épisodes

Épisode 1

 

Roselyne fixait le contrat d’un air dubitatif.

 

“Il s’agit d’un modèle-type, Mademoiselle. Vous êtes libre de modifier certaines clauses.”

“Cela ne changera rien au fond du problème.”

“Puis-je connaître la raison de votre réserve ?”

“La voici !”

 

Elle montra du doigt une ligne du document.

 

[Melchior Eckhart Julianov Postenmeyer]

 

Le nom à rallonge appartenait au chef de la prestigieuse maison Postenmeyer. Le champion de la couronne comptait parmi les intimes de l’empereur. Ce haut personnage était en train d’agiter un contrat nuptial sous le nez de Roselyne.

 

“Serais-je indigne de vous ?” s’enquit le prétendant.

“Au contraire, vous réunissez toutes les qualités du parti idéal.”

 

Non seulement l’archiduc était jeune et beau, mais il possédait une fortune colossale. Il dirigeait en outre un corps de chevaliers dont la renommée dépassait les frontières.

 

Et, cerise sur le gâteau, le séduisant célibataire jouissait d’une réputation sans tache en dépit de son succès. Roselyne était globalement d’accord avec ceux qui chantaient ses louanges. Hélas, il avait un défaut rédhibitoire.

 

“Je ne sais rien de vous, Monsieur !”

“C’est faux, nous nous sommes croisés pendant votre arrestation.”

“La rencontre était trop brève pour sympathiser” rétorqua la jeune fille.

 

Un individu qu’elle voyait pour la deuxième fois de son existence avait publiquement exprimé le souhait de l’épouser. Sans lui demander son avis, bien sûr !

 

“Il aurait été plus élégant de me consulter d’abord !”

“Votre sauvetage était prioritaire.”

 

Melchior marquait un point. Sa célérité avait évité les geôles à Roselyne. Mais quel besoin avait-il de l’entraîner dans une spirale de mensonges ?

 

Mon clan est en disgrâce et j’ai été fiancée par le passé, ce qui constitue une double tare dans notre milieu…

 

L’offre de l’archiduc était inespérée en ce sens. En résumé, la demoiselle n’avait pas le droit de se montrer pointilleuse.

 

Comment en suis-je arrivée là ?

 

Les larmes lui montaient aux yeux tandis qu’elle contemplait la feuille blanche bordée d’or.

 

***

 

Roselyne n’avait jamais pu décider de sa vie.

Elle fut longtemps l’enfant unique du comte Crimsonrose. C’est la mort dans l’âme que le châtelain prit sa formation en main, faute d’un héritier mâle. La décision projeta la jeune fille de plein fouet dans le monde des adultes.

 

Puis Alphonse naquit l’année de ses douze ans. L’événement relevait du miracle car la lignée, à moitié stérile, n’avait eu qu’un bébé par génération jusque-là. L’aînée fut envoyée au pensionnat dans l’indifférence générale.

 

Les finances du clan périclitèrent rapidement. Quant à Alphonse, il enchaînait les ennuis de santé. Le comte et la comtesse se résolurent à rappeler Roselyne au château. Leur plan consistait à la marier à un benêt qui accepterait d’administrer le comté pendant la convalescence du successeur officiel.

 

La jeune fille était triste d’interrompre ses études pour épouser le premier venu. Elle obéit néanmoins sans un mot de plainte. Lorsque les fiançailles furent annulées à la suite d’un imbroglio, la famille la traita de virago dépourvue de charme et l’enferma dans une tour en guise de punition.

 

Roselyne voulut postuler à la chevalerie pour renflouer les caisses du domaine. Or le père était un homme soucieux des apparences. Il mit donc son veto et partit en quête d’investisseurs. Mais le comte n’avait pas de talent pour les affaires. Une série d’escroqueries et de catastrophes naturelles engloutit le peu qu’il restait de la fortune familiale.

Le châtelain se tourna vers les tripots en désespoir de cause. Comme les jeux d’argent étaient prohibés par la loi, il prit soin de cacher son activité.

Hélas, aucun secret n’était éternel.

 

***

 

“Les Crimsonrose sont priés de nous suivre pour répondre des actes du comte !”

 

La demeure ancestrale fut saccagée dans une violence indescriptible. Le mobilier et la vaisselle roulaient au sol à mesure que la perquisition progressait.

 

Renata fronça les sourcils en entendant les cris des domestiques.

 

“À quoi rime ce vacarme ?”

 

Roselyne quitta la fenêtre pour rejoindre la comtesse.

 

“Rappelez-vous, père fréquentait une salle de jeux clandestine. Il a trouvé la mort au cours de sa fuite.”

“Inutile de remuer le couteau dans la plaie ! Que risquons-nous au juste ?”

 

La voix était pleine d’aigreur. La jeune fille poussa un soupir. Sa mère lui tombait dessus à chaque coup dur. Tant pis, elle avait d’autres priorités dans l’immédiat.

 

“La bannière des Chevaliers Bleus flotte dehors. Ils ont fait le déplacement sur ordre de l’impératrice.”

“Quelle honte ! Ton père mériterait de rôtir en enfer !”

“Le défunt était votre époux.”

 

Roselyne avait remarqué ses incessants voyages dans la capitale, sans se douter qu’il avait embrassé une carrière de criminel.

 

“Maudit destin !” geignit la veuve. “Que va devenir Alphonse si la couronne nous confisque tout ?”

 

Le garçon de six ans pleurait en silence, terrorisé par l’hystérie de la comtesse.

 

“Calmez-vous, les autorités comprendront que père a agi seul…”

“La souveraine a mobilisé ses troupes ! Elle nous croit complices !”

 

La châtelaine serra son fils dans ses bras entre deux sanglots. Les soldats n’allaient pas tarder à atteindre le deuxième étage où la famille s’était réfugiée.

 

“C’est la fin !” se lamenta la dame. “Que Dieu nous préserve !”

 

Roselyne réfléchissait. Pas même le bras armé de l’impératrice ne pouvait arrêter des aristocrates sans un motif valable.

 

Ni mère ni moi ne savions ce qu’il fabriquait. La peine sera allégée si j’arrive à en persuader le juge…

 

Le capitaine de la chevalerie les avait sommées de se rendre.

 

Mauvaise idée ! Cela équivaudrait à des aveux.

 

Son ancien professeur de droit était formel :

 

[Quiconque se constitue prisonnier perd la présomption d’innocence !]

 

Le cher homme avait souligné au passage l’incohérence du dispositif. À quoi bon laver son honneur si l’altercation a une issue fatale ?

 

Elles n’avaient malheureusement pas le choix. Il était primordial de convaincre le magistrat de leur bonne foi.

 

“Attendez-moi ici avec le petit, je vais parler aux soldats.”

“Pardon ? Tu n’y songes pas ?”

“Qui ne tente rien n’a rien.”

 

La veuve devint pâle comme un linge quand Roselyne attrapa une épée. L’amour maternel était étranger à sa panique.

 

“Assez ! Je t’interdis d’attiser leur colère !”

“Il faut opposer un minimum de résistance pour gagner le procès.”

“Tais-toi ! Ton insolence nous desservira au tribunal !”

 

Le mot “nous” n’incluait que la châtelaine et Alphonse. La jeune fille était trop blasée pour se sentir blessée.

 

Elle lança un ultimatum au moment de s’éclipser :

 

“Ne vous avisez pas de sortir avant mon signal.”

“Non, Roselyne ! Reviens !”

 

La demoiselle ignora ses vociférations et dévala l’escalier.

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