Bad Habit

Jaeeren - Romance Contemporaine

Après la mort suspecte de son père, Seohee cherche désespérément à faire rouvrir l’enquête, mais ses requêtes restent ignorées. Lors des funérailles, un homme mystérieux intervient, prêt à user de son influence pour l’aider… à une condition : qu’elle devienne … plus


18 Épisodes

Épisode 1

 

Un vent glacial effleura sa peau.

Munhyeok fronça les sourcils et jeta la cigarette qu’il tenait entre ses lèvres. La dernière bouffée de fumée toxique qu’il expira s’évanouit en un nuage opaque qui se mêla à l’épais voile de brouillard environnant.

Le temps, censé annoncer une forte neige, s’était replié dans une obscurité lugubre. Une dense brume rendait la visibilité presque impossible.

La taille du funérarium, en accord avec le temps maussade, était plutôt modeste.

Son parking immense, disproportionné par rapport à la petite bâtisse, était envahi de mauvaises herbes. Ce vaste espace, qui ressemblait plus à un terrain vague, n’abritait qu’une seule voiture de luxe : celle de Munhyeok.

Inattendue dans un lieu aussi délabré, le coffre de cette voiture était ouvert, et Monsieur Beom s’activait avec empressement. Munhyeok écrasa lentement sa cigarette sous son talon tout en observant Monsieur Beom qui tenait une mallette noire, puis s’inclina respectueusement.

“Tout est prêt.”

Sans un mot, Munhyeok le contourna et se dirigea vers l’entrée. En franchissant le seuil du funérarium, une odeur de moisi lui agressa les narines, signe que ce lieu était négligé depuis trop longtemps. Il ne pouvait sans doute pas y avoir pire endroit pour faire ses adieux à un défunt.

Finalement, ce n’était sûrement qu’une question d’argent.

Un sourire froid se forma sur ses lèvres.

Dans le vieux bâtiment, une seule salle était éclairée. Munhyeok trouva aisément sa destination, ses yeux parcourant la pièce à la recherche du représentant de la famille. Il n’était pas très tard et pourtant, il y avait peu de monde.

Dans la salle déserte, un corps frêle, visiblement épuisé, était recroquevillé sur lui-même. À en juger par son immobilité, il semblait à mille lieues de penser aux condoléants venus rendre un dernier hommage.

Après avoir enlevé ses chaussures, Munhyeok entra silencieusement dans la pièce et se dirigea vers l’autel. Monsieur Yu, qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, souriait de façon incongrue sur la photo encadrée.

Il avait été, et restait, la seule personne à toujours lui offrir un sourire.

“Jeune maître, ne vous en faites pas.”

L’unique personne à l’avoir traité comme un adulte lorsque son propre monde s’effondrait.

“Tout le monde fait des erreurs. Ne vous inquiétez pas trop.”

“Oui mais, et si papy me déteste ? Papa va encore me frapper.”

“Je vais bien lui expliquer. Ne vous en faites pas. Vous savez que votre grand-père m’apprécie beaucoup, n’est-ce pas ?”

C’était pour cela.

C’était pour cela que Munhyeok avait réarrangé son emploi du temps chargé afin de représenter le groupe Inseong à cette cérémonie.

Il plaça l’encens et s’inclina respectueusement devant l’autel. À ce moment-là, la silhouette repliée à ses côtés se redressa. Munhyeok se tourna vers elle, après avoir terminé le rituel. Un visage apparut enfin. Munhyeok, qui s’apprêtait à se prosterner devant elle, se figea brusquement.

C’était une très jeune femme.

Munhyeok cligna des yeux. C’était Yu Seohee, l’unique fille de Monsieur Yu.

Il était venu ici aussi pour une autre raison.

Bien qu’il ne l’eût pas vue depuis longtemps, une sorte de malaise s’installa. Cette émotion tumultueuse lui sembla étrangement familière.

Le visage pâle et délicat de Seohee était couvert de larmes. Ses yeux étaient emplis d’une tristesse poignante, et ses longs cheveux, attachés en une queue de cheval soignée, dégageaient une certaine pureté.

Seules ses lèvres étaient d’un rouge éclatant.

Comme après un baiser.

À la vue de ses yeux, profonds comme la brume, Munhyeok ressentit soudain l’irrésistible envie de fumer.

“Qui êtes-vous ?”

À la question à peine murmurée, Munhyeok répondit par le silence, plaçant ses mains jointes sur son front en un signe de respect. Quand du haut de son mètre 90, Munhyeok se courba, Seohee, mal à l’aise, s’inclina à son tour, hésitante.

L’expression de Munhyeok se durcit légèrement. La vue de son corps frêle raviva en lui des souvenirs douloureux. Les émotions, tranchantes comme des lames, parcouraient son corps tout entier.

L’homme laissa échapper un sourire amer puis se redressa. Peut-être était-ce dû à la perte de son unique parent, mais en la voyant se relever ainsi, il éprouvait une satisfaction coupable. Elle semblait proche de la rupture. C’est ce qu’il avait ressenti dès qu’il l’avait vue.

“Je suis désolé pour la perte de votre père.”

La voix grave, lente et rauque fit sursauter la femme.

Munhyeok fit un geste du menton, et Monsieur Beom, qui patientait en retrait, s’avança rapidement, la mallette à la main.

“C’est une sorte de compensation de la part du groupe Inseong.”

“Alors, c’est vous, le président ?”

La voix, aussi frêle que son corps, résonna faiblement dans l’air. Munhyeok réprima un rire nerveux.

Le président, vraiment ?

Bien qu’il n’en espérât pas tant, il semblait qu’elle ne le reconnaissait pas.

“Il semble que vous ne vous souvenez pas de moi. Nous nous sommes rencontrés il y a longtemps.”

Seohee cligna lentement des yeux. Les yeux bruns qui le fixaient, de manière calme et perçante, éveillèrent en lui un désir brûlant.

Son regard se dirigeait sans cesse vers ses lèvres.

“Il y a quelque chose que je tenais absolument à dire aux représentants du groupe Inseong.”

Voyant Seohee serrer son poing comme pour se donner du courage, Munhyeok inclina légèrement la tête.

“Mon père ne buvait pas.”

Le silence pesant fut brisé par le rire léger, presque imperceptible, de Munhyeok.

Seohee fronça les sourcils, Munhyeok soupira.

“Il a pourtant suivi une longue thérapie pour son alcoolisme.”

“Après ça, il n’a jamais plus bu une seule goutte.”

“Vous contestez donc les preuves des caméras de surveillance et les résultats de l’autopsie ?”

Son désir fit naître son envie de fumer. Munhyeok fixa Seohee tout en caressant le paquet de cigarettes dans sa poche.

“Il a subi une greffe de foie.”

La voix de Seohee ne tremblait plus, son ton était ferme. Ses yeux défiaient ceux de Munhyeok. Il trouva cela plaisant.

La lueur tremblante dans son regard, semblable à celui d’un chiot apeuré, était fort désagréable. Ses yeux d’orpheline éveillaient en lui une cruauté perverse. Un désir malsain de la voir sombrer encore plus bas s’éveillait en lui.

“Et alors ?”

Sa voix, maintenant glaciale, tranchait brusquement, mais Seohee ne faiblit pas.

“C’était mon foie.”

Munhyeok détourna son regard pour le poser sur son ventre. Si elle aimait assez son père pour lui donner son propre foie, quelle devait être l’ampleur de cet amour ? Munhyeok, lui, ne ferait jamais une telle chose, même sous une menace de mort.

“Après la greffe, il n’a plus touché une goutte d’alcool. Alors, conduire en étant alcoolisé…”

“Je comprends votre envie de le défendre.”

Munhyeok coupa net la conversation.

“Mais ça m’importe peu.”

Les lèvres rouges de Seohee se fermèrent et se recroquevillèrent lentement. Face à cette scène, la gorge de Munhyeok se serra.

“Mon père n’est pas responsable de l’accident.”

“Monsieur Yu était au volant.”

Le ton de Munhyeok resta ferme.

“Et ça correspond à la déposition du passager également.”

“Mais si vous pouviez demander à rouvrir l’enquête...”

“Le passager, c’était mon frère.”

À ces mots, les lèvres de Seohee se figèrent. Munhyeok observa la scène, une lueur presque brûlante dans ses yeux.

Son frère.

Enfin, peut-on vraiment qualifier de “frère” un homme qui ne partage pas le même sang et emploie tous les moyens possibles pour obtenir la succession ?

L’expression du visage de Munhyeok se durcit davantage en pensant à son frère Do Il. Un malaise irritant se fit sentir.

“Mon frère a été grièvement touché dans cet accident.”

Si seulement il avait été réellement blessé.

Do Il, allongé dans sa chambre VIP, semblait confondre l’hôpital avec un hôtel. Il se permettait de faire venir dans sa chambre les actrices de l’agence de divertissement qu’il dirigeait, tout en feignant l’inconscience quand leur grand-père venait lui rendre visite.

Un gamin bête et ridicule.

Par sa faute, c’était à Munhyeok qu’incombait le nettoyage du désastre.

“Je fais cette concession en raison de notre relation avec Monsieur Yu.”

Des larmes montèrent dans les yeux de Seohee.

Il se détestait lui-même en voyant sa détresse. Son corps réagissait avec une intensité qui le surprenait. Encore et toujours, face à Seohee, il éprouvait les mêmes émotions.

Une cruauté implacable. Une impulsion perverse de vouloir écraser d’un coup ce regard immaculé et pur, encore intact.

Munhyeok, dissimulant soigneusement cette impulsion, fixa Seohee intensément.

“Vous devriez prendre cet argent.”

“Je n’en ai pas besoin.”

Le regard de Seohee devint plus audacieux.

“Je demanderai une réouverture de l’enquête.”

Sentant son champ de vision se rétrécir, Munhyeok murmura d’une voix basse.

“Vous pouvez toujours essayer.”

Après avoir observé Seohee le fixer sans mot dire, il se tourna pour partir. Il était temps de mettre un terme aux vieilles émotions du passé. Cette femme n’était pas de son rang et ne valait même pas la peine d’être considérée.

Soudain, un bruit sec résonna derrière lui.

Munhyeok, le front plissé, tourna la tête. Les billets de banque de la mallette maintenant déverrouillée se répandaient autour de lui. Même Monsieur Beom, qui était plus surpris que lui, cria.

“Que faites-vous ?”

“Reprenez-le !”

Seohee cria de désespoir.

“Je ne veux pas de votre argent, ramenez-moi mon père !”

“Alors remboursez ce que nous a coûté l’accident causé par votre père.”

La voix sèche de Munhyeok s’abattit sur elle.

“Remboursez tous les frais de l’hôpital en chambre VIP, les dommages aux victimes, et la perte de valeur des actions de l’Inseong Entertainment à la suite de l’annonce de l’hospitalisation de son représentant. Payez tout ce que vous nous devez.”

Le visage de Seohee, marbré de chagrin, se tordit en une expression de désespoir profond. Ses sourcils, courbés en une moue de pleurs, révélaient une détresse poignante.

Pourquoi la voir ainsi le touchait-il autant ?

Munhyeok fixa Seohee en silence. Alors qu’elle portait ses mains à son visage, son corps vacilla un instant. Pour la première fois, Munhyeok laissa tomber le masque d’indifférence qu’il portait.

Le corps frêle de la femme s’effondra lentement vers le sol. Avant que sa chute ne soit complète, Munhyeok l’attrapa par la taille fine et la prit dans ses bras. Son corps se lovait doucement contre lui, les longs cils de ses yeux fermés, oscillaient dangereusement.

Alors qu’il tenait dans ses bras ce corps qu’il avait longtemps désiré, les pulsations de son cœur s’intensifièrent vivement. Une douleur aiguë, presque insupportable, envahit chaque fibre de son être. Sans se rendre compte du danger qu’elle courait, la femme s’affaissait sans force dans les bras de Munhyeok.

 

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