Yuin - Romance Fantasy
Ancienne impératrice crainte et haïe, Élise meurt sous les ordres de son propre époux, l’empereur. La mort ne marque pourtant pas la fin de son histoire. Réincarnée dans le monde moderne, Élise devient une chirurgienne de génie, sauvant des vies … plus
“Alerte ! Alerte !”
La voix du commandant de bord, tremblante d’effroi, déchira l’atmosphère feutrée de la cabine.
“Notre appareil a quitté sa trajectoire suite à un dysfonctionnement dont nous ignorons la cause !”
Boum !
À peine ces mots prononcés, une déflagration ébranla le flanc de l’avion. L’explosion venait de réduire à néant toute illusion de sécurité. Le majestueux Concorde se métamorphosa, en l’espace d’un battement de cœur, en scène de chaos.
“Aaaah !”
“Au secours !”
“Mesdames et messieurs les passagers, le moteur principal s’est arrêté. Préparez-vous à une évacuation d’urgence. Je répète. Préparez-vous à…”
Une pâleur mortelle envahit le visage de chaque âme à bord.
L’appareil survolait l’immensité du Pacifique, suspendu à dix mille mètres au-dessus des flots. Évacuer ici ne présageait rien d’autre qu’une mort certaine.
“Je ne peux pas mourir comme ça !”
“Maman !”
Des cris déchirants s’élevaient de toutes parts.
Une Coréenne, installée en classe affaires, serra les poings à s’en blanchir les jointures.
Une évacuation d’urgence ? C’est de la folie ! Personne ne survivra à une chute pareille !
Un frisson glacial parcourut chaque fibre de son être.
C’est impossible ! Pas encore ! Cette vie aussi n’a été qu’un enchaînement de peines… Je commençais à peine à entrevoir un peu de bonheur !
Elle s’appelait Song Jihyun. Une chirurgienne d’exception, prodige consacré plus jeune professeure de la prestigieuse faculté de médecine de l’Université de Séoul.
Je me suis battue corps et âme, dans l’espoir de racheter mes fautes passées, et je commençais tout juste à y parvenir.
Virtuose du scalpel.
Sommité chirurgicale.
Génie de son temps.
Créature d’exception.
Les qualificatifs qui tentaient de cerner son talent étaient légion. Mais quelle importance désormais ? Le sort en était jeté.
J’aurais tant voulu connaître le bonheur dans cette vie-ci.
Des larmes perlèrent au coin de ses yeux. Voici qu’approchait sa seconde mort grotesque. Ses deux vies défilèrent devant ses yeux.
La première ne s’était pas écoulée sur cette Terre, mais dans un univers parallèle.
Celle d’Élise de Clorence.
Née dans le pourpre nobiliaire, elle s’était hissée jusqu’au trône impérial, mais avait traversé les âges en semant derrière elle crimes et bassesses, guidée par l’avarice et la jalousie, avant de périr sous le couperet.
Pourquoi ai-je embrassé pareille existence à l’époque ?
C’était là un récit sombre qu’elle répugnait à exhumer de ses souvenirs.
Bien que l’heure des retrouvailles fût à jamais révolue, son cœur ne portait que remords envers ceux qu’elle avait jadis persécutés. Sa famille, par-dessus tout. Ces êtres chéris dont sa propre main avait précipité la perte.
Si seulement un instant lui était accordé pour croiser à nouveau leur regard.
Chimère, hélas, que ce souhait impossible à exaucer. Les fautes d’antan demeuraient, indélébiles, gravées dans les tréfonds de son âme.
Et puis vint sa seconde existence.
Celle de Song Jihyun.
Orpheline dès la naissance, sa vie n’avait été qu’une lutte acharnée contre l’adversité.
Malgré ce statut d’orpheline, elle avait franchi avec éclat les portes du lycée scientifique avant l’âge, s’était hissée première au concours d’entrée de la faculté de médecine de Séoul, avait brillamment conquis son diplôme, s’était imposée comme l’interne la plus remarquable en chirurgie, puis comme la plus jeune professeure que l’institution eût jamais connue.
Infatigable, elle avait œuvré sans relâche, sauvant des vies pour racheter les crimes de son existence première. Et maintenant que ses rêves commençaient à prendre forme, que le bonheur se trouvait à sa portée, elle allait connaître une funeste fin.
Boum !
Une nouvelle détonation ébranla l’appareil qui bascula violemment dans les airs. Une fumée âcre aux relents de chair calcinée s’éleva dans la cabine.
Jihyun sentit l’étreinte glaciale de la mort.
L’évacuation d’urgence n’était désormais plus qu’un espoir dérisoire.
Face à l’imminence du néant, elle ferma les paupières avec détermination.
Ah…
Mais à cet ultime instant, par un mystère qu’elle ne s’expliqua pas, son esprit s’envola soudain vers les siens. Ceux qu’elle avait connus lorsqu’elle était Élise.
Son père, figure d’autorité empreinte de sérieux.
Son frère aîné, rigoureux en apparence, mais secrètement attentionné.
Et son frère cadet, âme généreuse qui n’avait cessé de la chérir malgré ses imperfections.
Des trésors inestimables dont elle n’avait su percevoir la valeur à l’époque.
Comme elle aspirait à les revoir !
Était-ce le fardeau des torts qu’elle leur avait causés ? Même après trois décennies, la mélancolie qu’éveillait en elle le souvenir de sa première famille ne faisait que croître.
Si seulement le destin m’accordait une dernière chance de les voir… Si pareille grâce était possible…
Alors, l’inconcevable se produisit.
Flash !
Dans un fracas assourdissant, une lumière aveuglante engloutit sa conscience.
Telle fut l’ultime réminiscence de Song Jihyun.
Et ainsi s’acheva sa deuxième existence.
* * *
L’échafaud noir et blanc était sinistre. Une femme y gisait, entravée, le corps baigné dans un linceul écarlate. Les somptueux atours qui jadis proclamaient sa noblesse n’étaient plus que haillons souillés par mille tourments, tandis que la foule vociférait sa haine.
“À mort ! À mort !”
“Que périsse cette créature maléfique !”
Clac !
Une pierre, jaillie de nulle part, vint lacérer sa tempe.
Ploc.
Du sang vermeil s’écoula, mais nul regard ne s’attardait avec compassion sur sa souffrance. Tous ne faisaient que déverser leur fiel, consumés par une fureur sans nom.
“N’as-tu rien à dire avant de quitter ce monde ?”
Face à la guillotine, l’empereur l’interrogea. Celui qui fut autrefois son époux la contemplait d’un regard où luisait un mépris glacial. Il continua d’une voix tranchante comme l’acier :
“Ton père, le Marquis de Clorence, et ton frère ont tous deux perdu la vie. Leur sang souille tes mains ! Jusqu’à leur dernier souffle, ils n’ont cessé de s’inquiéter pour toi. Ils ont supplié qu’au moins ta vie soit épargnée.”
À ces paroles, un voile de regret et de tourment obscurcit le regard d’Élise. Mais le repentir venait trop tard.
“Tu leur présenteras tes excuses en enfer.”
L’empereur prononça sa sentence d’une voix dénuée d’émotion.
Puis la lame s’abattit sur sa nuque délicate.
* * *
La scène avait changé. Il s’agissait maintenant d’une salle d’opération, tableau austère en noir et blanc.
Les praticiens observaient un patient avec des expressions tendues.
“Rupture splénique ! La tension est en chute libre !
“Qu’en est-il de la transfusion ?”
“C’est en cours ! Mais l’hémorragie est trop importante !”
Leurs regards trahissaient leur inquiétude. L’état du blessé était critique. Pourraient-ils l’arracher aux griffes de la mort ?
Alors qu’ils tentaient le tout pour le tout, la porte du bloc s’ouvrit, livrant passage à une silhouette féminine.
“Comment évolue son état ?”
C’était une femme de stature modeste, fragile même en apparence. Une créature si délicate qu’elle semblait pouvoir défaillir à la vue d’une seule goutte de sang, en parfaite contradiction avec l’âpreté de ce théâtre chirurgical.
Pourtant, l’expression des médecins à sa vue était révélatrice, comme s’ils contemplaient leur salut incarné.
“Professeure Song !”
Malgré le choc hémorragique sévère du patient, la jeune femme s’enquit d’une voix sereine :
“Les préparatifs opératoires sont-ils achevés ? Quelle est la tension artérielle ?”
“Elle est à 60, son état est faible.”
La femme se contenta d’acquiescer, imperturbable.
Tout en enfilant ses gants, elle posa son regard sur le médecin à la stature imposante.
“Docteur Kim.”
“Oui, professeure ?”
“Pourquoi êtes-vous si nerveux ?”
“Eh bien… l’état du patient est alarmant…”
À ces mots, tous purent deviner qu’un sourire illuminait le visage de la femme sous son masque. Un sourire d’une douceur apaisante.
“Docteur Kim, quelle est notre option la plus immédiate ?”
“…”
“Parlez, je vous écoute.”
“Après une laparotomie, nous devrons localiser le vaisseau hémorragique et procéder à son clampage. Puis déterminer l’étendue de la splénectomie selon la gravité des lésions.”
La femme acquiesça avec une assurance tranquille.
“Parfaitement exact. Votre analyse est impeccable. C’est précisément ce que nous allons faire.”
“…”
“Écoutez-moi. Nous allons sauver ce patient. Malgré la gravité de son état, j’ai l’intime conviction que nous pouvons lui offrir une chance. Ne partagez-vous pas cette certitude ?”
“Si… vous avez raison.”
L’agitation qui habitait l’équipe médicale céda la place à une détermination sereine.
Ils pouvaient sauver cette vie, et n’importe quelle autre, grâce à cette femme d’apparence fragile, mais dont la force intérieure surpassait celle de tous.
“Scalpel.”
Au moment d’entamer l’intervention, la professeure se métamorphosa. Passant de créature délicate à chirurgienne d’acier, combattant sur cette frontière ténue entre vie et trépas.
“J’incise.”
La lame traça un sillon à travers la paroi abdominale.
Le sang jaillissant de l’artère éclaboussa son visage d’albâtre, marquant ainsi le début de la bataille.
* * *
“Han !”
Jihyun s’éveilla brusquement.
“Encore ce rêve…”
Elle secoua la tête au souvenir de ses vies antérieures. Celle d’Élise de Clorence, l’impératrice maudite, et de Song Jihyun, la chirurgienne d’exception.
“Comment est-ce arrivé ?”
Elle examina son corps avec incrédulité.
“J’étais morte…”
Pourtant, elle respirait. Et dans une enveloppe charnelle familière.
Elle soupira et contempla son reflet dans le miroir. Elle y vit un visage d’une beauté stupéfiante encadré de cheveux platine.
Élise de Clorence.
Elle avait retrouvé le corps de sa première existence.
Je n’arrive toujours pas à y croire.
Elle exhala profondément.
La chirurgienne Song Jihyun, avait succombé sans l’ombre d’un doute dans cette catastrophe aérienne. Et voilà qu’elle se trouvait de nouveau prisonnière de l’écrin charnel de sa première vie. À l’âge tendre de seize ans.
Tout ceci défie l’entendement.
Elle secoua la tête, perplexe.
Au moins, je suis vivante.
Dix jours s’étaient écoulés depuis sa résurrection.
À son premier éveil, la confusion avait régné en maître, mais désormais son esprit avait retrouvé une certaine quiétude. L’origine de ce phénomène demeurait un mystère, mais elle avait choisi d’embrasser cette réalité nouvelle.
Une voix la tira de ses pensées.
“Mademoiselle. Puis-je entrer ?”
“Oui. Je t’en prie.”
Une jeune servante en livrée de chambrière franchit bientôt le seuil, portant un plateau de mets.
“Voici votre collation.”
“Je te remercie.”
La jeune domestique déposa avec précaution les victuailles sur la table, puis scruta discrètement l’humeur de sa maîtresse.
“Euh… mademoiselle ?”
“Oui ?”
“Vous sentiriez-vous souffrante, par hasard ?”
“Je me porte à merveille. Pourquoi cette question ?”
Jihyun afficha une expression intriguée.
“C’est que… vous semblez… différente. Vous paraissez moins… vive… qu’à l’accoutumée…”
Après un instant de réflexion, elle saisit le sens véritable des propos de la servante.
Ah… elle fait allusion à mon ancien tempérament…
Dans sa première vie, Élise de Clorence possédait un caractère proprement exécrable, en parfait contraste avec son visage poupin.
Elle s’emportait pour des broutilles, sa colère éclatait au moindre prétexte, et projeter les objets environnants constituait chez elle une habitude bien ancrée. Les serviteurs blessés à cause de son humeur massacrante ne se comptaient plus.
Et à seize ans, j’étais encore plutôt sage. Je n’avais qu’un mauvais caractère sans avoir commis de péchés véritables. Ce n’est que plus tard, avec les années, que…
Un frisson la parcourut au souvenir des crimes dont elle s’était rendue coupable.
L’illustre domaine du Marquis de Clorence, le plus prestigieux de l’Empire, serait anéanti par sa faute. L’image de ceux qu’elle chérissait payant pour ses propres péchés était restée gravée en elle jusque dans sa seconde existence.
Cette fois, jamais je ne permettrai pareille tragédie.
Puisqu’elle avait réintégré son ancienne enveloppe, c’était en tant qu’Élise qu’elle devrait désormais vivre.
Ayant connu l’existence d’une chirurgienne sur Terre, elle ignorait encore comment appréhender cette nouvelle vie.
Mais une certitude s’imposait. Une existence tissée de regrets, semblable à celle du passé, était absolument inenvisageable.
“Marie.”
“Oui, mademoiselle ?”
Au timbre mélodieux de sa voix, la jeune servante tressaillit.
Quelle mouche la pique ? Ne va-t-elle pas encore chercher querelle et lever la main sur moi ?
La jeune domestique, qui connaissait trop bien la cruauté de sa jeune maîtresse, laissa transparaître de la crainte dans son regard.
“Est-ce aujourd’hui que s’achève ma punition ?”
“Oui, mademoiselle.”
En ce moment même, elle était consignée dans ses appartements, punie par son père, le marquis de Clorence, courroucé par l’une de ses dernières frasques.
Quelle providentielle circonstance que cet isolement.
Grâce à cette mise à l’écart, nul ne venait troubler sa solitude, ce qui constituait un soulagement certain. Si quelqu’un avait été témoin de son désarroi, l’étrangeté de son comportement n’aurait pu échapper à l’attention.
“Euh, justement, monsieur le marquis a exprimé le souhait de vous voir au déjeuner.”
“Père ?”
“Oui, il vous convie à participer au repas familial.”
Elle tressaillit.
Un repas en famille ?
“Tous seront présents ? Père, ma belle-mère et mes frères ?”
“Assurément. À l’exception de Ren qui est retenu par ses fonctions de vice-commandant des carabiniers.”
Badum.
Le cœur de Jihyun s’emballa. L’heure était venue de retrouver sa famille d’antan. Après une éternité d’absence. Des retrouvailles par-delà deux existences et autant de trépas.
* * *
L’heure du déjeuner arriva vite.
Jihyun se tenait, immobile, devant la porte de la salle à manger du manoir, dans sa robe d’apparat.
Je dois franchir ce seuil.
Elle demeura longtemps figée, incapable de pousser le battant qui la séparait de la salle à manger.
Le repas avait déjà commencé et la famille était réunie.
Comment dois-je me comporter face à eux ?
La raison de son hésitation était limpide. Elle ignorait quelle attitude adopter devant ces êtres chers retrouvés après trois décennies.
Comme j’aspirais à les revoir !
Avoir connu une seconde existence sur Terre n’avait en rien effacé sa première famille de sa mémoire. Au contraire, les fautes qu’elle avait commises envers eux demeuraient comme une plaie béante en son cœur, attisant son désir ardent de les retrouver.
Mais… À présent qu’elle tenait plus de Song Jihyun la chirurgienne que d’Élise, cette dualité la plongeait dans un abîme de confusion quant à l’attitude à adopter.
Bientôt pourtant, elle chassa ces pensées d’un mouvement de tête.
Que rumines-tu, Song Jihyun ? Tu t’apprêtes à retrouver ta famille. Celle que tu as pleurée pendant trente longues années.
Crii...
Dès qu’elle entrouvrit la porte de la salle à manger, les conversations qui y résonnaient s’éteignirent, tous les visages se tournant vers elle.
Lorsque son regard croisa les leurs, le temps suspendit son cours.
Ah…
Sa main vint couvrir ses lèvres tremblantes. Un frisson incontrôlable parcourut ses membres.
Nulle réflexion n’était nécessaire sur l’attitude à adopter.
Son père, qui l’aimait d’un amour silencieux, mais qui succomba sous le poids d’accusations mensongères, victime des erreurs qu’elle avait commises.
Son cadet, qui la défendait avec une tendresse infinie malgré ses imperfections, mais qui périt sur le champ de bataille par sa faute.
Sa belle-mère, qui veillait sur elle comme sur sa propre enfant jusqu’à son dernier souffle, et qui mourut consumée par la maladie, mais qu’elle n’avait su que haïr.
Ils étaient vivants et leurs regards se posaient sur elle.
Cette prise de conscience ébranla les fondements mêmes de son être.
“Élise ? Qu’y a-t-il ?”
À l’instant où son père l’interrogea, déconcerté, une larme perla au coin de son œil.
“Je…”
Elle s’empressa d’essuyer cette trace de faiblesse, mais les pleurs redoublèrent, intarissables.
“Lisy ?! Que t’arrive-t-il ?”
Son cadet, Chris, qui l’avait toujours adorée, s’approcha, alarmé.
“La punition était-elle si cruelle ? Je te l’avais bien dit, père. Même si elle a fauté, la confiner dans ses appartements durant dix jours était d’une rigueur excessive. Sèche tes larmes, mon adorable petite sœur. Viens donc.”
Il l’attira contre lui dans une étreinte protectrice.
Dans ce cocon de tendresse, dans cette chaleur familière retrouvée après trois décennies d’absence, elle s’abandonna aux larmes.
Chris. Je m’en suis tellement voulu ! En cette nouvelle existence, jamais je ne permettrai que de tels drames se reproduisent.
Ce frère qui s’engagea dans l’expédition de Crimm à cause de ses erreurs.
Elle se rappelait avec acuité l’instant où la nouvelle de sa mort au combat lui parvint au manoir. Jamais plus elle ne revivrait pareille désolation.
Chris tapotait doucement l’épaule de sa sœur blottie contre lui.
“Lisy, ne pleure plus. Une dame accomplie qui s’apprête à se fiancer ne devrait pas s’abandonner ainsi aux larmes.”
Son père et sa belle-mère s’approchèrent également.
“Mon cher époux, ne t’avais-je pas mis en garde contre la sévérité excessive de cette punition ?”
“Allons, pardonne-moi. Il semble que j’aie fait preuve d’une rigueur démesurée. Cesse ces pleurs, je t’en conjure.”
Son père, figure solennelle, s’excusait avec une maladresse touchante. Mais Jihyun n’entendait guère leurs paroles.
Ils vivent. Tous respirent encore. Ce n’est pas un rêve.
Elle s’écarta doucement de l’étreinte de Chris.
“Je… je vais bien.”
Et son regard embrassa sa famille retrouvée.
Les larmes coulaient encore, mais un sourire illumina néanmoins son visage. Un sourire où se lisaient les regrets, les tourments et la nostalgie d’une vie révolue.
“Père, mère, mon frère.”
“Que t’arrive-t-il, Élise ?”
Elle laissa enfin s’échapper les mots qu’elle avait gardés prisonniers en son cœur durant trente années entières. Une éternité.
“Je vous aime.”
Et ses paupières se fermèrent. Une larme solitaire traça un sillon sur sa joue.
“Et… je suis désolée. Du plus profond de mon être.”
Ainsi s’accomplissait son retour à sa première existence.